lundi 11 mars 2019

Écriture inclusive #1 Revue GONG


      


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Loin de moi dans cet éditorial l’intention de faire le procès de l’écriture inclusive, plusieurs articles y seront consacrés tant le sujet est vaste et complexe. Alors que l’Académie française, chargée de définir la langue française par l’élaboration de son dictionnaire qui fixe l’usage du français, vient de trancher sur la féminisation des noms de métiers, de fonctions, de titres et de grades, j’ai jugé opportun d’attirer votre attention sur les fautes grammaticales récurrentes apparaissant dans la revue Gong depuis de nombreuses années.

De quoi s’agit-il ?
En tant que membre de l’A.F.H. (Association Francophone de Haïku) et abonnée à la revue Gong, je trouve inadmissible que de telles fautes apparaissent tant en fin de revue qu’en quatrième de couverture.
Je reconnais ne lire que rarement, voire jamais la dernière page consacrée aux lecteurs, ce qui explique mon intervention tardive.

Constatation
Je suis remontée jusqu’en 2012 afin de vérifier les différentes erreurs concernées :
– 2012 Gong n°34, p.73 : « Courrier des lecteurs », mais en quatrième de couverture « COURRIER DES LECTEUR.ES ».
– 2012 Gong n°35, p.74 : « Courrier des lecteurs », mais en quatrième de couverture « COURRIER DES LECTEUR.ES ».
– 2012 Gong n°36 et suivants toujours les mêmes erreurs : « Courrier des lecteur.es » tant en fin de revue qu’en quatrième de couverture « COURRIER DES LECTEUR.ES ».
– 2019 (janvier - mars) Gong n° 62 je trouve toujours les mêmes erreurs : « Courrier des lecteur.es », p. 69 et en quatrième de couverture « COURRIER DES LECTEUR.ES ».

La responsabilité incombe-t-elle à l’écriture inclusive ?
Indubitablement oui car si celle-ci n’avait pas été utilisée, cette faute grammaticale n’aurait pas été commise. Le constat est d’autant plus affligeant que Gong est une revue littéraire traitant du haïku, poésie d’origine japonaise très en vogue à l’heure actuelle. Néanmoins, les directeurs de cette revue ont leur part de responsabilité non seulement parce qu’ils l’utilisent, mais parce qu’ils semblent ignorer que le féminin de lecteur est « lectrice » et non « lecteure ». Une correction s’impose et vouloir utiliser l’écriture inclusive nécessite au moins la maîtrise parfaite de ses codes. 

À toutes fins utiles, il serait bon de faire le choix entre les deux propositions suivantes :
– « Courrier des lecteurs »
– « Courrier des lecteur.rice.s »

Je conclurai  en informant le comité en charge de relecture des différents articles de cette revue francophone que l’Académie française d’une part a refusé de s’attarder sur l’écriture inclusive et que d’autre part le féminin de « lecteur » est également « lectrice » au Québec où cette revue est abondamment diffusée.

Je compléterai en rappelant qu’en octobre 2017, les Quarante ont dénoncé cette pratique, en des termes sans ambiguïté : « La langue française se trouve désormais en péril mortel.» Michael Edwards, qui faisait partie de la commission chargée de la féminisation des métiers, titres, grades et fonctions, fut l’un des premiers à se dresser contre l’écriture inclusive. Bien que lui et ses confrères aient aujourd’hui accepté de se pencher sur la question de la féminisation, ils refusent de céder à « cette graphie baroque », selon le mot de Gabriel de Broglie : « Ce n’est pas français. C’est imprononçable, cela gêne la lecture et surtout, cela ne répond nullement à la demande des femmes. C’est une  erreur totale. »

L’Académie française se déclare toujours soucieuse de répondre aux questions de langue de ses contemporains, mais dit vouloir veiller à ce que l’évolution de l’usage se fasse conformément au génie du français : « Comment les générations à venir pourront-elles grandir en intimité avec notre patrimoine écrit ? lisait-on dans la prise de position de l’Académie sur l’écriture inclusive. Quant aux promesses de la francophonie, elles seront anéanties si la langue française s’empêche elle-même par ce redoublement de complexité, au bénéfice d’autres langues qui en tireront profit pour prévaloir sur la planète. » Propos que l’Académie française confirma en 2018.

J’espère ne pas prêcher dans le désert, peut-être ma voix sera-t-elle enfin entendue, moi qui, à chaque renouvellement de cotisation de membre réclame en vain une modernisation du système informatique de ladite revue.

Sources : lefigaro.fr, academie-francaise.fr, la revue Gong.


dimanche 9 décembre 2018

Je me suis tue — Mathieu Menegaux



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La porte de la cellule vient de se refermer sur Claire. De quoi l’accuse-t-on ? Dans un style sobre rythmé par des titres ou extraits de chansons qui peuplent sa solitude, Claire lâche les faits qui tel un chemin obscur au milieu de la nuit l’ont menée au seuil de cette prison. Coupable ou non coupable, victime d’un crime odieux, elle a choisi de porter en silence le fardeau. Elle commettra l’irréparable ; incomprise de tous, mais avait-elle le choix, héroïne malgré elle de cette tragédie contemporaine ?
Dans une confession délivrée à la première personne, Claire du fond de sa cellule déroule le parchemin des faits qui l’ont conduite en prison.


Qu’en penser ?

La plume est nouvelle et de genre masculin, elle ne craint pas de griffer le papier pour nous parler du sujet ô combien délicat de l’infanticide — une plume porteuse du point de vue de la meurtrière — le défi est de taille. Il fallait oser s’attaquer à un sujet dont on nous rebat les oreilles dans les médias, les livres ou les films. Le thème est érodé, en quoi pourrait-il nous intéresser ? Sujet traité par un homme et de surcroît un premier roman, quel culot ! Adopter le point de vue de la femme, le lecteur et plus encore la lectrice l’attendent au tournant.

Mathieu Menegaux réhabilite la tragédie grecque, il en utilise les éléments, amour, passion, secret, rejet, haine, mort sur la scène tragique pour la transformer en tragédie moderne. Les chœurs antiques chers à Euripide et Sophocle sont remplacés par la chanson française et étrangère dont moult références parsèment l’ouvrage. Le lecteur découvre une tragédie actuelle qui aborde sous un angle novateur bien qu’ancien les drames qui touchent notre société. L’écrivain distille entre les lignes de discrètes allusions à la tragédie grecque en embrassant la vision d’Aristote, Œdipe-Roi en étant un exemple parfait. Selon Aristote, il doit y avoir revirement non du malheur au bonheur, mais au contraire du bonheur au malheur, ce revirement survenant non à cause de la perversité, mais à cause d’une erreur grave d’un héros, l’attitude de Claire n’en est-elle pas le flagrant exemple ?

L’auteur porte un regard acéré sur ce qui semble un fait divers banal. Il épouse la position la plus difficile, celle de la mère infanticide. Peut-on expliquer l’horreur ? Le pari de Je me suis tue  est de tenter l’impensable. 

La plume tourbillonnante de l’auteur imprime page après page de vifs staccato de mots entremêlés de silences jusqu’au mutisme final afin de nous révéler les émotions de cette femme au fond de sa cellule obscure.

Ce flux impétueux embarque le lecteur dans un engrenage cruel. Reste-t-elle maîtresse de son destin et est-elle le personnage si effroyable que nous imaginions ? Nous sommes confronté à la réalité mise à nu. Loin d’excuser son geste, Menegaux dévoile une Claire ni monstre ni innocente, endossant le rôle de la femme avec une aisance peu commune. Il excelle dans l’art d’aborder des sujets tant ordinaires que graves tels l’infertilité, la routine, les normes sociétales, le viol, l’infanticide dont peines et peurs apparaissent submergées par son dégoût infini. Le lecteur témoin coi de l’événement irréversible, déclencheur relaté avec une empathie certaine, ne parvient pourtant à n’en éprouver aucune pour les personnages. De même que Menegaux déroule son histoire sans adopter aucun parti, le lecteur restera spectateur attendant en vain les explications de l’auteur. Force est de constater que tout ne peut s’expliquer, le lecteur se laisse peu à peu envahir par cette sensation oppressante d’incompréhension. L’auteur peut-il lui en tenir rigueur ? Claire comprend-elle cet acte injustifiable ? Elle est avant tout victime, ce qui la mènera au drame qu’elle vivra seule car elle ne veut pas ou ne peut pas en parler. D’aucuns lui reprocheront son arrogance, sa réussite, une vie de bourgeoise aisée, ses choix mêmes qui gripperont une mécanique bien huilée. Très peu de personnes lui tendront la main, mais le souhaite-t-elle ? Elle décide seule de sa ligne de défense, le mutisme afin d’expier sa faute, position dont elle ne déviera pas. Héroïne classique, elle œuvre pour sa propre perte et son amour démesuré pour Antoine la poussera à commettre l’irréparable pour ne pas le perdre. La crainte du malheur engendre le malheur. Claire victime de son propre orgueil, de son mutisme, de la cruauté du destin devient l’héroïne d’une tragédie moderne.

Lorsque nous faisons la connaissance de Claire, celle-ci attend dans sa cellule un procès en cour d’assises, nous ignorons le crime pour lequel elle est jugée, nous ne découvrirons que progressivement les faits violents et choquants pour la plupart qui l’ont menée à cette incarcération. Comment ne serions-nous pas chamboulé, pétrifié par chaque nouvelle révélation de Claire ? Peu à peu l’esquisse du crime prend forme, d’autant plus monstrueuse qu’elle nous apparaît incompréhensible et traumatisante. Cette lente descente aux enfers de l’héroïne est dépeinte sans que sensations ou sentiments ne soient jamais censurés aussi dérangeants ou extrêmes puissent-ils être. Ces événements nous atteindront davantage et seront d’autant mieux compris si nous sommes lectrice et non lecteur. La force de l’auteur est de nous faire vivre si intensément chaque épisode que nous le vivons à la place de Claire, quasiment persuadé que nous pourrions en arriver là. En serions-nous capable ? Rien ni personne ne peut nous contredire car aussi odieux que soit ce crime, qui pourrait affirmer ne jamais y parvenir ? Dans ce roman l’auteur nous amène à prendre conscience que chaque événement de notre vie nous permet de nous construire et qu’il est rarement possible de nous reconstruire lorsque nous sommes victime d’un traumatisme. 

Nous aurions tort d’ignorer que ce roman témoigne de la complexité d’un jugement. Le personnage de Claire nous enseigne, ce qui rend ce roman d’autant plus intéressant, l’immense tâche des juges consistant à décortiquer une affaire dans ses moindres détails. Ainsi, les expertises, les interrogatoires aussi nombreux soient-ils ne permettent pas toujours de cerner la vérité. L’auteur nous dévoile avec brio la complexité de la justice et l’ambiguïté qu’elle peut révéler.

La dernière page tournée, nous imaginons sans peine la mise en scène d’Alfred Hitchcock offrant au spectateur une héroïne, un iceberg sublime comme lui seul savait les dénicher, mystérieuse, blonde, élégante et sportive. Elle, femme de notre temps, confrontée aux problèmes récurrents de notre société comme en témoigne son désir obsessionnel d’enfant, prônant l’indépendance dans le couple, vouée à une solitude à deux, puis à l’isolement fatal.

Comment ne pas percevoir un clin d’œil au roman de Yann Queffélec, Les noces barbares, prix Goncourt 1985 ? Nous n’avons pas oublié cette jeune héroïne âgée de treize ans, enceinte après avoir été violée par un jeune soldat américain et encore moins la quête désespérée de son fils pour l’amour de sa mère tout comme le dénouement final qui ne nous laissa pas indemne, dernier épisode de leurs « noces barbares ».

Ce premier roman d’un auteur inconnu a reçu toute notre adhésion et nous vous le recommandons chaleureusement. Ce roman est une véritable pépite comme il en existe de difficilement identifiables dans la littérature blanche. Comment les découvrir ? Se rendre chez son libraire favori et dénicher l’œuvre au fond du magasin, émergeant entre deux piles qui sans être poussiéreuses ne paient pas de mine. Nous fûmes conquis par cette écriture sobre et efficace nous reliant à l’héroïne dès les premières lignes et nous tenant en haleine jusqu’au point de non retour. Un bémol néanmoins, les multiples références à la chanson française et étrangères qui parsèment l’ouvrage nous semblent trop nombreuses, ce procédé est excessif.

Édité par Grasset en 2015 et par Points en 2017, ce roman a obtenu le prix du premier roman des 29Journées du Livre de Sablet dans le Vaucluse et obtient le prix du meilleur roman des lecteurs de Points.

En 2017, Mathieu Menegaux est de retour avec Un fils parfait pour lequel il reçoit le prix Claude Chabrol du roman noir.

L’année 2018 voit l’apparition de son troisième roman Est-ce ainsi que les hommes jugent, toujours édité par Grasset.

Çà et là

« C’est propre, la tragédie.
C’est reposant, c’est sûr… Dans le drame, avec ces
traîtres, avec ces méchants acharnés,
cette innocence persécutée, ces vengeurs,
ces terre-neuve, ces lueurs d’espoir,
cela devient épouvantable de mourir, comme un accident.
Dans la tragédie on est tranquille.
D’abord, on est entre soi.
On est tous innocents en somme !
Ce n’est pas parce qu’il y en a un qui tue
Et l’autre qui est tué. C’est une question de distribution.
Dans le drame, on se débat parce qu’on espère en sortir.
C’est ignoble, c’est utilitaire.
Là, c’est gratuit. C’est pour les rois.
Et il n’y a plus rien à tenter, enfin ! »

JEAN ANOUILHAntigone
[…]

Je ne sais pas combien de temps je suis restée allongée dans le tunnel. Pas allongée, non, recroquevillée. Je me revois, prostrée, meurtrie. Il est parti. C’est fini. Je remonte mon pantalon, il a déchiré ma culotte. Je souffre. J’ai mal. J’ai honte. L’ignominie dégouline entre mes cuisses. L’odeur m’écœure. Je suis sale, souillée, polluée, intouchable. Je me dégoûte, tout me dégoûte. Ce souterrain me dégoûte. Il me dégoûte. Mais je suis soulagée. Je suis en vie. Je respire. J’inspire. J’expire. Mon cœur bat. Je tremble. Je soupire. Je pleure. Je vomis. Le dîner, ma bile, ma trouille, je gerbe tout. Et il n’y a personne, dans le tunnel. Personne. Je me lève. Je ne tiens pas debout. Je me relève, encore. Ça y est. Je titube. Je suis debout. Je marche. Quitter ce tunnel. Appeler Antoine.

[…]

Je l’ai vue défiler devant moi, cette vie, et je l’ai refusée. Pierre était dans mes bras et déjà je ne le supportais plus. J’avais perdu tout espoir, l’humanité m’avait quittée, j’étais dans une impasse, je me débattais et il fallait que j’en sorte.

dimanche 25 juin 2017

America 01/16 — Magazine littéraire




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Les journalistes François Busnel, La Grande Librairie, France 5 et Éric Fottorino, hebdomadaire Le 1 viennent de lancer un mook (contraction de deux mots anglo-saxons, magazine et book). Il s’agit d’une publication périodique dont le contenu privilégie les grands reportages et les enquêtes approfondies dont les textes sont illustrés de dessins et de photographies. America, magazine littéraire sous-titré L’Amérique comme vous ne l’avez jamais lue, consacrée à l’Amérique de Donald Trump est un trimestriel limité à 16 numéros, la durée du mandat du président des États-Unis.

Qu’en penser ?

Dans son édito François Busnel nous explique comment est né America : « À l’ère du buzz, de la rumeur considérée comme une information, de la pensée ramenée à un slogan, des généralisations hâtives, des analyses d’experts qui ne mettent plus les pieds sur le terrain et de ce que les séides du nouveau Grand Sachem américain ont baptisé “faits alternatifs”, il nous a semblé nécessaire de retrouver le temps long de l’enquête et du reportage. »

De quoi sera-t-il question ? L’éditorial nous donne une réponse sans ambiguïté :

« Vous lirez dans chaque numéro, un entretien au long cours (Toni Morrison, qui a accepté d’être la marraine d’America, raconte ce qu’écrire veut dire et ce dont Trump est le nom), mais aussi les extraits exclusifs des plus beaux romans américains à paraître (ici, Jay McInerney et une nouvelle inédite de F. Scott Fitzgerald). Vous arpenterez une ville sous le regard inspiré d’un romancier (Alain Mabanckou vous emmène à Los Angeles). Vous décrypterez les classiques du cinéma (grâce à Douglas Kennedy) et de la littérature (en VO comme en VF, sous le regard de John Irving ou Russell Banks). Vous vivrez de l’intérieur la résistance indienne à Standing Rock (grâce à Louise Erdrich) et même les soubresauts du Bureau ovale (sous l’œil de notre correspondant sur place, un inoffensif cyprinidé posé sur un guéridon de la Maison-Blanche)… »

Ce premier numéro nous offre un entretien avec Toni Morrison (prix Pulitzer pour Beloved en 1988, prix Nobel de littérature en 1993 pour l’ensemble de son œuvre, éditrice, romancière et professeur de littérature) de 24 pages qui à elles seules valent l’acquisition de ce numéro que l’on conservera précieusement dans sa bibliothèque.

Le journaliste et écrivain américain, Ta-Nehisi Coates, lauréat 2015 du National Book Award en 2015 pour Une colère noire : lettre à mon fils adoubé par Toni Morrison dresse le portrait fascinant d’un homme porté par un indéfectible optimisme, convaincu de la force du rêve américain. Il nous dresse le bilan de cette présidence pas comme les autres, nous parle de ses succès sans en oublier les échecs retentissants, notamment sur la question raciale.

Peu de temps avant son départ de la Maison-Blanche, le président américain s’est entretenu avec Michiko Kahutani, critique littéraire pour le New York Times et lauréate du Prix Pulitzer de la critique. De cette rencontre résulte l’article : Barack Obama — Ce que peut la littérature que nous offre America. Le président revient sur ses ambitions d’écrivain, le rôle de la littérature dans sa formation ainsi que le pouvoir des mots dans l’époque que nous traversons.

En fin d’ouvrage, le lecteur peut découvrir une nouvelle inédite de Francis Scott Fitzgerald Reconnaissance de dette, première nouvelle de Je me tuerais pour vous, édité au mois d’avril 2017 par Grasset/Fayard, traduction de Marc Amfreville d’après l’édition originale publiée en 2017 sous le titre : I’d die for you, and other lost stories.

Pour conclure, America met en exergue un grand roman américain : Moby Dick. Cette initiative nous vaut quelques belles pages dont Petite histoire d’un grand livre — Moby Dick  par André Clavel, quelques morceaux choisis en VF et VO suivis de Pourquoi j’aime Moby Dick par Russell Banks, Ron Rash & John Irving. Quelle belle manière de clore ce premier volume alors que le second est déjà annoncé dans la presse pour le 28 juin prochain ! Nous l’attendons avec impatience, le sommaire s’annonce également de bonne facture.

America, revue faite par des écrivains et initiée par des journalistes a atteint son but. En effet, à l’aide de reportages, d’enquêtes, de chroniques, de nouvelles ou d’extraits littéraires, ces écrivains relient leur art à l’Amérique de Donald Trump. N’avons-nous pas assisté depuis le 11 septembre 2001 à une renaissance de la littérature américaine ? Ces évolutions ne sont-elles pas un des rôles de la littérature ?


Çà et là
Tout écrivain digne de ce nom parle du monde qui l’entoure. Prenez Eschyle. Prenez Shakespeare. L’art n’est jamais séparé du politique. Affirmer cela est une manœuvre politique. Laissez cela aux pays qui possèdent un art officiel, comme les pays communistes d’autrefois. Aujourd’hui comme hier, si les politiques ont tellement besoin de museler les écrivains, de les enfermer, de les déporter, de les faire taire, c’est précisément parce qu’ils ont bien compris que l’art et la politique ont partie liée. Je ne comprends pas l’idée, développée par certains beaux esprits, selon laquelle rien dans l’état actuel du monde ne peut nourrir romans ou poèmes. Je pense exactement l’inverse.
Toni Morrison

Pourtant, malgré cette haine raciale profonde, et face à la résistance farouche des républicains du Congrès, à cette guerre ouverte dès l’arrivée d’Obama à la Maison-Blanche, le président a accompli des exploits de premier ordre. Il a reconstruit le système de santé de la nation. Il a remis sur pied un département de la Justice qui s’employait à appliquer avec vigueur la brutalité policière et la discrimination, et il a commencé à démanteler le système pénitentiaire privé des détenus fédéraux. Obama a nommé pour la  première fois une Latino au poste de juge de la Cour suprême, soutenu le mariage pour tous et mis fin à la politique militaire américaine du « Ne demandez pas, n’en parlez pas23 », honorant dans le même mouvement la tradition de défense des droits civiques qui l’avait inspiré. Son existence a de toute évidence enflammé la conscience raciste de l’Amérique, mais elle a aussi enflammé l’imagination antiraciste du pays. Pour des millions de jeunes aujourd’hui, leur unique président est un président afro-américain. Dans un article du New Yorker, Jelani Cobb a un jour écrit ceci : « Tant qu’on n’avait pas vécu de présidence noire, il était impossible d’en mesurer les limites. »
Ta-Nehisi Coates

23 Politique discriminatoire en vigueur dans les forces armées américaines de 1993 à 2011 vis-à-vis des homosexuels et des bisexuels.

Avez-vous des livres à recommander en cette période que nous traversons, qui ont su saisir le chaos ambiant ?
Mishiko Kakutani

C’est probablement à vous que je devrais poser la question. Je dois avouer que depuis les élections, j’ai été plus occupé que je ne m’y attendais. L’une des choses que j’ai vraiment hâte de faire, c’est de me plonger dans quantité de livres. Mais ce dont je suis sûr, c’est qu’il y a un tas d’écrivains, jeunes pour la plupart, qui sont probablement en train de se saisir de ce moment pour écrire le livre que j’ai besoin de lire. Ils ont une longueur d’avance sur moi, aujourd’hui. Et dans cette période post-présidence, en plus de former la prochaine génération de dirigeants à travailler sur des questions comme le changement climatique, la violence armée ou la réforme du système de justice pénale, j’espère parvenir à créer des liens entre eux et leurs pairs qui considèrent la fiction ou la non-fiction comme un élément important de ce processus. Alors que l’essentiel de la politique consiste à essayer de gérer le choc des cultures provoqué par la mondialisation, la technologie et les migrations, le rôle des histoires pour unifier plutôt que pour diviser, pour impliquer plutôt que pour marginaliser, est plus crucial que jamais. Il y a quelque chose d’unique dans le fait de ralentir et de s’accorder un temps long, qui n’est pas celui de la musique, de la télévision ou des films, même les meilleurs. Or de nos jours, nous sommes tous confrontés à une masse d’informations, et nous manquons de temps pour les assimiler. Cela nous conduit à formuler des jugements trop rapides, à traiter les choses de façon stéréotypée ou à en refouler d’autres, simplement parce que notre cerveau fait ce qu’il peut pour tenir le coup. […]
Barack Obama
Comment se procurer le livre ?

Pour information ce premier numéro de America fut tiré à 50 000 exemplaires.
Vous pourrez l’acquérir comme les suivants chez votre marchand de journaux ou votre libraire, il est également disponible en ligne chez votre distributeur habituel ou sur abonnement à l’adresse suivante :

http://www.America-mag.com

America n’est pas distribué au Canada. Néanmoins, il est possible de s’abonner depuis le Canada via la boutique « america-mag.com » en sélectionnant la zone de livraison « EXPORT », les tarifs export étant identiques à la France. Pour tout renseignement complémentaire s’adresser au site ci-dessus mentionné.